S’inspirer ailleurs : l’entraînement en marathon

Se décentrer de l’entraînement en cyclisme pour l’enrichir, c’est l’objectif de ce papier. A travers notamment l’étude de Haugen, Sandbakk, Seiler et Tonnessen nous partons à la découverte de la préparation des meilleurs coureurs à pied longue distance (du 5000m au marathon). Avec peut être des idées à tirer pour les cyclistes !

Course à pied longue distance et cyclisme, les points communs

Dans leur revue de littérature [1], Haugen et ses collègues nous rapportent les grandes lignes, et certains détails, qui composent l’entraînement des champions en course à pied longue distance, sur piste (5000m et 10000m) et en marathon. En outre, ils mettent en lumière les principaux déterminants de la performance dans ces disciplines : le VO2max, la fraction d’utilisation de VO2max pour un effort donné et l’économie de course. Auxquels ils rajoutent la puissance neuromusculaire, les capacités anaérobies ainsi que la résistance à la fatigue pour les courses sur piste. Que des facteurs qui font aussi la performance en cyclisme. Il semble donc normal de faire le parallèle entre les disciplines et d’imaginer des points de convergence dans les préparations.

Plutôt une préparation traditionnelle

La première chose que l’on peut noter c’est que la majorité des coureurs longue distance s’entraînent selon les principes d’une planification traditionnelle (du volume d’abord puis des intensités). Les planifications de type inversées sont donc minoritaires.

Concrètement, un modèle que l’on retrouve très souvent est le suivant :

On constate aussi parfois et notamment chez les marathoniens, une double périodisation, avec un objectif majeur en automne et un autre au printemps (ou pour les coureurs sur piste, des objectifs indoor ou en cross l’hiver puis d’autres objectifs lors de la saison extérieur en été).

Et enfin, on peut relever que les coureurs sur piste courent en moyenne 9 compétitions par saison alors que les marathoniens se limitent à une moyenne de 6 courses dont deux 2 marathons seulement. En cyclisme, à haut niveau, la norme se situe plutôt à 60-70 jours de courses… un autre monde !

Pyramidale ou polarisée

Maintenant regardons comment sont distribuées les intensités chez ces coureurs. Là encore, pas ou peu de surprises avec le plus souvent des distributions pyramidales ou polarisées avec quelques séances intensives dans la semaine (au-dessus de premier seuil, zones 3 à 7*) et beaucoup de volume à basse intensité (zones 1 et 2). Notons d’ailleurs que généralement le temps passé en zone 1 et beaucoup plus important qu’en zone 2. Cela va dans le sens de nombreux travaux qui laissent penser que le volume en endurance et les intensités génèrent des adaptations complémentaires.

Dans ce qui nous est montré des programmes d’entraînement d’Eliud Kipchoge (médaillé d’or à Rio et Tokyo en marathon) et de Thomas Longosiwa (médaillé de bronze à Londres sur 5000m), nous notons par exemple seulement 2 séances qualitatives (au-dessus de la zone 2) par semaine (sur 10 ou 13 séances selon la période) pour le marathonien et entre 2 et 4 séances qualitatives (sur 12 ou 13 séances) pour le spécialiste du 5000m.

Concernant le volume d’entraînement, même s’il est très élevé (450 à 600h/an pour les spécialistes de 5000 et 10000m et 500 à 700h/an pour les marathoniens), il reste moindre que dans d’autres sports d’endurance comme le cyclisme (800 à 1200h/an). Cela s’explique par des contraintes mécaniques élevées en course à pied et un risque de blessure accru. Pour remédier en partie à ces problématiques, les coureurs privilégient le biquotidien (2 séances quotidiennes) et de plus en plus l’entraînement croisé (intégrer d’autres sports d’endurance, moins contraignants, dans l’entraînement).

Par ailleurs, selon le type de discipline, l’évolution des intensités au cours de la préparation diffère légèrement. Pour résumer, les athlètes ont tendance à intégrer de plus en plus d’allure spécifique course au fur et à mesure que l’objectif approche. Pour les marathoniens cela donne plus de zones 4 et 5 en début de préparation et plus de zones 2 et 3 à la fin et c’est l’inverse pour les spécialistes de 5000 et 10000m.

Enfin on remarque très souvent la présence de séances dédiées à la préparation physique ainsi que le recours de plus en plus fréquent à des stages en hypoxie, quand bien sûr les athlètes ne vivent pas déjà en haut altitude.

*Echelle d’intensité pour les coureurs longue distance

L’exemple de Kipchoge

Arrêtons-nous un peu sur l’entraînement du recordman du monde du marathon. Celui-ci est très bien décrit par Cathal Dennehy dans le magazine « Outside » [2]. Que pouvons-nous en apprendre ? Que celui-ci est plutôt simple et très routinier. D’ailleurs le titre de l’article « The Surprisingly Simple Training of the World’s Fastest Marathoner » est assez explicite.

Voici un exemple de semaine d’entraînement du Kényan :

Lundi

6h : 19 km zone 1 (facile)

16h : 10 km zone 1

Mardi

9h : 15 km interval training

16h : 10 km zone 1

Mercredi

6h : 20 km zone 1

10h  : 60 minutes préparation physique

16h : 10 km zone 1

Jeudi

6h : 30 à 40 km zones 2-3

Vendredi

6h : 20 km zone 1

10h : 60 minutes préparation physique

16h : 10 km zone 1

Samedi

6h : 1h Fartlek ou interval training

16h : 10 km zone 1

Dimanche

Dans la journée: 20 km zone 1

En prenons en compte que cette semaine type se répète très régulièrement et que les changements d’une semaine à l’autre sont généralement mineurs.

A première vue, rien de révolutionnaire donc. Un entraînement, semble-t-il, extrêmement régulier qui l’a amené sur le toit de sa discipline !

Et pour le cyclisme ?

Finalement, en tant que cyclistes, que pouvons-nous tirer de ces informations ?

Certainement le fait qu’il n’existe pas de méthode miracle pour performer à très haut niveau. En finalité, ce qui fonctionne, c’est une approche assez simple de l’entraînement, basée sur du volume contrôlé à basse intensité, de la haute intensité sur certaines séances clés et surtout beaucoup de régularité. D’ailleurs, Haugen et ses collègues rapportent également le fait qu’il faille, en moyenne, entre 8 et 10 ans pour atteindre le haut niveau international. Cela montre bien qu’il n’existe pas de raccourcis pour exploiter tout son potentiel. Pour devenir champion, il faut du temps, de la patiente et du travail. En outre, ce sont des conclusions que l’on peut retrouver dans une autre revue de littératures mais portant sur d’autres sports d’endurance [3].

Références :

[1] The Training Characteristics of World-Class Distance Runners: An Integration of Scientifc Literature and Results-Proven Practice, Haugen et al. Sports Med (2022)

[2] The Surprisingly Simple Training of the World’s Fastest Marathoner, Dennehy. Outside (2021)

[3] The Road to Gold: Training and Peaking Characteristics in the Year Prior to a Gold Medal Endurance Performance, Tonnessen et al. Plos one (2014)

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