Comment évaluer les capacités mitochondriales ?

Les sportifs les plus performants en endurance font parties de ceux avec les meilleures capacités mitochondriales.

Mais comment évaluer les capacités mitochondriales ?

Une meilleure capacité mitochondriale passe nécessairement par la biogenèse mitochondriale. C’est une des adaptations majeures à l’entraînement.

Pour rappel, la biogenèse mitochondriale est la formation de nouvelles mitochondries et aussi la génération de nouveaux composants mitochondriaux.

Étant donné que les mitochondries sont essentielles à la performance, il faut pouvoir évaluer les effets de l’entraînement sur la biogenèse mitochondriale.

Cet article explique les moyens qu’utilise les scientifiques pour évaluer la biogenèse mitochondriale.

Cet article est le dernier d’une série de 3 articles sur les mitochondries et la biogenèse mitochondriale.

Le premier article explique le rôle des mitochondries dans la production d’énergie et définit la biogenèse mitochondriale.

Le second article explique les mécanismes sous jacents de la biogenèse mitochondriale.

Les premières études évaluant les effets de l’entraînement sur la biogenèse mitochondriale

En 1967, Holloszy réalise les premières études sur les effets de l’entrainement sur la biogenèse mitochondriale sur des rats, après un entrainement sur tapis roulant pendant 12 semaines, les rats possédaient une quantité totale de protéines mitochondriales ~60% plus élevée que les rats du groupe contrôle n’effectuant pas d’exercice. Cette augmentation du matériel mitochondriale s’est accompagné de différentes améliorations fonctionnelles, comme une meilleure phosphorylation oxydative illustrée par une consommation d’oxygène ~2 fois plus importante pour une même quantité de muscle (Holloszy, 1967).

Quelques années plus tard, des effets similaires ont été observés chez l’homme après un mois d’entrainement en pédalant avec une seule jambe pendant 2 heures par jour entre 50 et 150 watts. Après la période d’entraînement, la jambe effectuant le pédalage possédait un volume mitochondrial 55% supérieur à la jambe contrôle et une capacité plus élevée à oxyder des glucides (Morgan, 1971).

Aujourd’hui, les effets de l’entrainement sur les mitochondries sont clairs. En conséquence, les recherches actuelles présentent l’activité physique comme le meilleur moyen d’être en bonne santé et de prévenir de nombreuses maladies cardio-métabolique (Oliveira, Ashley N et al., 2021).

Comment évaluer les effets de l’entraînement sur la biogenèse mitochondriale

Un des marqueurs les mieux corrélés à la densité mitochondriale est la Citrate Synthase (CS), la première enzyme du cycle de Krebs. Cette dernière est mesurée par microscopie électronique suite à un prélèvement musculaire. La mesure de l’activité de la CS est la méthode de référence, une des plus utilisée pour estimer la biogenèse mitochondriale à la suite d’un entrainement.

D’autres marqueurs peuvent aussi être utilisé, comme le contenu en protéine du complexe IV (Cox) et son activité, ou le taux maximal de production mitochondrial d’ATP.

Certaines études se sont aussi intéressées à des marqueurs moins directs de la biogenèse mitochondriale, comme le contenu en protéine de Tfam, NRF et PGC-1α. Ces mesures permettent plus de comprendre les mécanismes de la biogenèse mitochondriale, plutôt que d’évaluer une augmentation de la densité ou de la fonction mitochondriale.

Tous ces marqueurs (CS, contenu en protéine du complexe IV (Cox), Tfam, NRF et PGC-1α) s’évalue de manière invasive suite à des biopsies musculaires, ce qui limite l’utilisation de ces marqueurs. En conséquence, les participants de ces études ne sont que très rarement des sportifs entrainés. Il est donc difficile de transposer les résultats de la plupart des études sur la biogenèse mitochondriale aux sportifs de haut niveau.

Quand on étudie un groupe de sportif déjà bien entraîné, le marqueur le plus couramment utilisé pour évaluer une progression est le VO2max et parfois, un temps limite ou un contre la montre. L’évaluation direct des capacités oxydatives du muscle sont en revanche bien plus rare, bien que celle-ci soient directement reliées à la performance d’endurance (van der Zwaard, S. et al., 2021).

Le VO2max ou un contre la montre permettent seulement d’évaluer les effets fonctionnels de l’entrainement mais ces mesures ne permettent pas d’évaluer directement l’implication de la biogenèse mitochondriale dans des améliorations de performance. En clair on peut voir une progression mais on ne sait pas vraiment pourquoi.

Un nouveau moyen pour mesurer la fonction mitochondriale

Sean Seale Upside Strength NIRS MOXY
Sean Seale de Upside Strength est un des experts français de la NIRS

Un nouveau moyen pour mesurer la fonction mitochondriale de manière non invasive est apparu récemment dans la littérature scientifique, cette méthode pourrait permettre d’étudier plus facilement les sportifs de haut niveau. Il s’agit d’utiliser la technologie NIRS (Near Infrared Spectroscopy), en français la spectroscopie proche infrarouge. La lumière proche infrarouge générée par un capteur disposant de cette technologie se déplace de l’émetteur du capteur à travers la peau pour interagir avec le muscle, puis la lumière est renvoyée vers les détecteurs du capteur.

Le capteur prend les données brutes et les exécute à travers un algorithme utilisant la loi de Beer Lambert, pour déterminer à la fois l’hémoglobine totale, qui est une mesure relative de la quantité d’hémoglobine dans le chemin optique du capteur (ou THb, qui donne un proxy pour le volume sanguin) ainsi que le pourcentage d’hémoglobine totale saturée en oxygène (c’est-à-dire la saturation musculaire en oxygène, ou SmO2). Ces données sont basées sur le fait que l’hémoglobine oxygénée et désoxygénée a des spectres d’absorbance différents, une « couleur » différente.

Pour évaluer la fonction et la densité mitochondriale, Il est possible de faire un test d’hyperhémie réactionnelle avec un brassard de compression pour analyser la pente de désaturation et resaturation de l’oxygène (Ryan, Terence E et al., 2014). On mesure la pente de désaturation après une occlusion artériel complète et on déduit ensuite qu’elle va être proportionnellement lié à la fonction mitochondriale. Le brassard bloque l’afflux artériel et permet d’isoler la consommation d’oxygène de l’apport d’oxygène, tandis que le fait d’enlever le brassard représente la différence entre la consommation d’oxygène et l’apport.

On peut spéculer que l’amplitude et le taux accrus d’utilisation de l’oxygène (et la plus petite aire sous la courbe) entre une intervention pré-entraînement et post-entraînement représente une augmentation de la densité mitochondriale et de la concentration en enzymes tels que la citrate synthase. En effet, lors du test, on utilisera seulement l’oxygène qu’il y a dans la jambe après l’occlusion, on peut donc supposer que plus vite est la désaturation plus il y a de mitochondries qui consomment l’oxygène.

Ce test peut être utiliser dans le cadre de protocole scientifique (Ryan, Terence E et al., 2013 ; Batterson, Philip M et al., 2020) mais aussi sur le terrain quand on réalise le suivi d’athlète. Cependant, ce test, bien que non invasif, est assez douloureux et difficile à vivre. Bloquer la circulation sanguine est une sensation inhabituelle et surprenante. L’utiliser en routine sur le terrain parait donc compliqué.

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Élément requis

Bibliographie

Batterson, Philip M et al. “Improving biologic predictors of cycling endurance performance with near-infrared spectroscopy derived measures of skeletal muscle respiration: E pluribus unum.” Physiological reports vol. 8,2 (2020): e14342. doi:10.14814/phy2.14342

Oliveira, Ashley N et al. “Exercise Is Muscle Mitochondrial Medicine.” Exercise and sport sciences reviews vol. 49,2 (2021): 67-76. doi:10.1249/JES.0000000000000250

Holloszy JO (1967) Biochemical adaptations in muscle. Effects of exercise on mitochondrial oxygen uptake and respiratory enzyme activity in skeletal muscle. J Biol Chem 242:2278–2282.

Morgan TE (1971) Effects of Long-Term Exercise on Human Muscle Mitochondria. 1–9.

Ryan, Terence E et al. “A comparison of exercise type and intensity on the noninvasive assessment of skeletal muscle mitochondrial function using near-infrared spectroscopy.” Journal of applied physiology (Bethesda, Md. : 1985) vol. 114,2 (2013): 230-7. doi:10.1152/japplphysiol.01043.2012

van der Zwaard, S., Brocherie, F., & Jaspers, R. T. (2021). Under the Hood: Skeletal Muscle Determinants of Endurance Performance. Frontiers in Sports and Active Living3, 213. https://www.frontiersin.org/article/10.3389/fspor.2021.719434

2 réflexions sur “Comment évaluer les capacités mitochondriales ?”

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